Ceux qui disent que la musique québécoise «sonne toute pareil» n’ont clairement pas entendu l’album éponyme du band Forêt. Loin de faire dans la pop conventionnelle, on a bien de la difficulté à mettre le doigt sur le style précis du duo composé d’Émilie Laforest (ah, tiens, le concept!) et Joseph Marchand. Chose certaine, cela prend plus d’une écoute pour assimiler toute l’information contenu dans ces neuf chansons qui sont, pour la plupart, extrêmement chargées.
Même si, officiellement, le noyau dur n’est que deux membres, celles-ci ont rapidement su s’entourer des plus grands. La coréalisation est laissée à François Lafontaine (Karkwa), Pierre Lapointe apporte sa contribution à un texte et y chante aussi (sur L’amour de marbre), et on entend même Ariane Moffatt au piano dans une chanson! On est loin d’un petit band de garage avec des nobodies qui veulent faire de la musique ici! En effet, les membres ont tous travaillé, de près et de loin, à des projets musicaux avec les grands du Québec. Ces derniers ont donc accepté de donner un coup de pouce pour leur propre projet. Le pari de Forêt est de réussir à percer avec une musique quasi expérimentale et lourde sur les tympans. En effet, la première écoute peut être pénible pour les oreilles les plus sensibles! La chanteuse a une voix aiguë et les effets de réverbération rendent plus difficiles à cerner ses paroles, aussi profondes soient-elles. Il y a aussi énormément de synthé, qui va souvent même plus aigu que la voix, et des petits patterns de guitare. La batterie, quant à elle, change d’énergie selon l’ambiance, mais on entend bien dans La cage qu’elle peut être très active. La combinaison de tout cela crée un son très space qui n’est pas sans rappeler des artistes comme Patrick Watson ou Karkwa.
Émilie Laforest a une formation classique en chant. On n’a pas de misère à le croire, mais ce qui surprend un peu à l’occasion, c’est son accent non international. En adoucissant certaines syllabes, elle aurait facilement pu passer pour une française, mais pas de doute, il suffit de l’écouter pour savoir que Forêt est tout ce qu’il y a de plus québécois!
Évidemment, ce n’est qu’un premier album pour le band Forêt. On peut s’attendre à ce que le groupe continue ses efforts pour faire quelque chose de différent, et c’est tant mieux. Ce style est encore peu exploré au Québec, et si Forêt ne le fait pas, qui le fera? Souhaitons tout de même que le groupe finisse par alléger sa musique pour que toutes les oreilles puissent profiter de leur talent et de la poésie de Kim Doré qui a signé la quasi-totalité des textes.
Un conseil : si vous désirez vous initier à Forêt, commencez par la Après la guerre, qui a une belle énergie et qui est moins troublante que la plupart des autres. Il y aussi À ceux qui ne sentent plus rien qui est moins chargée… parce qu’elle est uniquement instrumentale!
L’album s’écoute notamment sur la page Bandcamp du groupe.
À écouter : La cage, Après la guerre, À ceux qui ne sentent plus rien
6,8/10
Par Olivier Dénommée
(Modifié le 19 juin 2013)