L’artiste québécois Normand Cournoyer, mieux connu sous l’appellation de Normand L’Amour, est un génie dont l’ensemble de la province peut être fier. L’homme originaire de Saint-Joseph-de-Sorel, qui inspire même la nouvelle génération de musiciens québécois (et mondiaux, rien de moins, comme L’Amour parle toutes les langues!), a à son actif plus de 200 albums contenant des milliers de productions originales.
Afin de guider les néophytes à l’art de L’Amour, voici une liste non-exhaustive, sous forme de Top 10, des plus grands succès de ce grand artiste.
10. Tes orteils
Le titre de cette pièce, judicieusement pensé pour guider l’esprit des spectateurs vers la comptine, recèle bien des surprises. D’abord, on ne peut passer sous silence l’accent hip-hop qui se dégage de l’ensemble de l’œuvre. Les percussions, rajoutant un style très urbain, donne à L’Amour une touche de modernité que l’on n’aurait cru possible : le génie nous surprend une fois de plus.
Les paroles de Tes Orteils sont également très évocatrices du modernisme et de la nouvelle vague : «Regarde, tiens regarde, regarde-le donc, lui, qu’elle disait, sa mère, qu’il s’en va… Encore!» Ce segment, représentant la nouvelle génération très absente du cocon familial, en rajoute au côté engagé de Normand L’Amour, et fait de Tes Orteils une œuvre digne de se retrouver dans ce top 10. Mention honorable au vidéoclip, où L’Amour y va de toute sa jeunesse et de sa passion.
9. Toute noire
Ce grand succès de L’Amour (à ne pas confondre avec Babine de noire, qui est la même chanson sans l’introduction romantique), se veut un hymne amoureux destiné aux gens de couleur.
Les paroles décrivent la rencontre de Normand de ce qu’il appellera plus tard «son ange noir». Les connaisseurs de Normand L’Amour s’entendront pour dire que les paroles de Toute noire sont des plus profondes de l’artiste. Probablement parce que, dans sa grande sagesse, L’Amour s’adresse à la femme de ses rêves dans sa langue d’origine, dans un moment clé de la carrière du chansonnier québécois. On peut en effet entendre, après une minute de musique :
«Elle était là, elle était là, avec sa jupe de paille, elle était là, elle regardait… là… vers… le ciel… et elle chantait… Anyoushkoumaille Womaille Couille Wikaille wishwoulicouille schkomille…»
Ces paroles, répertoriées comme étant les plus romantiques de l’ensemble de la langue créole, hissent L’Amour au niveau de Baudelaire.
Comme la plupart des artistes, Normand L’Amour a, lui aussi, eu son moment de révélation, où le sens de la vie s’est soudainement éclairci. Ce nirvana, il l’a atteint lors de la prestation de Si j’étais un goéland, hymne à la liberté complet et parfait.
Dans le vidéoclip, où L’Amour se déhanche de gauche à droite, en tentant de quitter la prison que semble être sa chaise, on comprend la douleur de l’artiste qui cherche à s’identifier à tout ce qui l’entoure. C’est ainsi que, dans cette pièce, nous passerons de l’ensemble du règne animal à un pharaon, en passant par l’Arche de Noé et plusieurs autres métaphores relevant de la grande sagesse de l’auteur.
«Si j’avais été un gorille, j’aurais du poil partout, partout sur le corps, ou bin… un p’tit singe… je mangerais des bananes… Je grimperais dans le bananier… J’irais m’chercher des bananes. J’irais m’en chercher tout le temps, des bananes dans le bananier, si j’avais vécu dans le temps de Noé. […] Ou bin dans le temps des Aztèques, j’aurais peut-être laissé une statuette de terre cuite. Pourtant je ne suis pas une statue!»
Espérons que L’Amour ait trouvé sa place depuis.
Impossible de dresser une liste des plus grands succès de L’Amour sans parler de La poignée de porte. Considérée par plusieurs comme étant son plus grand succès, le hit début avec un rythme rapide et une instrumentation très chargée. Ici, l’artiste veut emmener le public dans la même émotion que celle de l’œuvre, le stress, la panique.
La poignée de porte raconte donc les tourments d’un homme qui voulait s’en aller (d’un endroit que l’artiste a volontairement omis de préciser afin de s’attarder plus rapidement au vif du sujet). Malheureusement, la porte qui sépare l’homme de sa fuite est bloquée. Elle refuse de s’ouvrir. C’est cette panique, cet enfermement que L’Amour nous partage au-travers de son œuvre. J’y vois une sage référence aux tourments vécus par un claustrophobe, exprimés par la maîtrise musicale du chansonnier. Voyez par vous-mêmes :
«La poignée, La poignée, Y’a tirait, sur tou’é bords, la poignée, piiiiiiiiiiiiiiiis il parlait, pis pis pis pis pis il parlait, y’avait, y’avait beaucoup de choses à dire, ça faisait longtemps qu’il n’était pas venu, et pis il parlait, et pis il parlait, et pis y’a t’nait, y’a t’nait, y’a y’a y’a y’a t’nait…»
Du grand L’Amour. Mais attendez la suite.
6. Martin Rego
Martin Rego est une œuvre beaucoup moins connue, et avec raison, car lors de l’écriture de l’article que vous lisez présentement, elle n’est disponible sur Youtube que depuis deux heures. J’ai choisi de glisser cette œuvre dans mon palmarès afin de bien représenter la productivité de L’Amour. En effet, Normand est très actif sur Internet, et il le prouve en publiant environ une nouvelle production artistique par jour. Lors de l’écriture de ces lignes, Martin Rego est la plus récente.
Sous-titrée Musique hybride du sciècle (avec la faute, oui oui), Martin Rego possède un ton plus continental, qui nous donne presque envie de danser sur le bord de la mer, un cocktail à la main. Les accents plus jazzy prouvent la parfaite maîtrise instrumentale de L’Amour qui gâte son public anglais en nous prouvant une fois de plus sa maîtrise du langage.
«Because the passion… As we can see… Is in the wind…» Que de poésie. Pocahontas elle-même serait jalouse.
5. Y ramais
Issue de la période plus sombre de Normand L’Amour, Y ramais peut être considérée comme l’œuvre qui a fait renaître l’artiste. En effet, vers le milieu de sa carrière, L’Amour ramait, tout comme le protagoniste de son œuvre. C’est cette chanson qui lui a redonné la passion divine et l’envie de continuer.
Y ramais, qui possède son propre vidéoclip, est un savoureux conte dont la morale nous rentre dedans comme une tonne de briques. Sur une musique reggae, nous suivrons les aventures trépidantes d’un homme qui, pris au milieu d’un lac, rame pour rentrer chez lui. Au bout de deux minutes de ramage, la crainte s’empare du personnage (que l’on comprend être L’Amour lui-même) lorsqu’il rencontre une femme sur un bateau identique au sien.
L’état d’âme de la femme est ici expliqué en finesse et en subtilité :
«Avait peur, avait peur, avait peur, avait peur, avait peur, avait peur, avait peur, avait peur, Gyslaine, avait peur, Gyslaine avait peur, […] Gyslaine a criait, va-t-en au bord, j’ai peur, j’ai peur, va-t-en au bord, la chaloupe va s’remplir, j’ai peur, va-t-en».
Ici, c’est les prouesses narratives de Normand L’Amour qui font de Y ramais l’une de ses plus grandes œuvres.
Composée durant le printemps érable, Ha! La politique est sans conteste la chanson la plus engagée de Normand L’Amour. Alors que les esprits québécois s’échauffaient et que la crise électorale était à son apogée, voici que le chansonnier ose révolutionner, dans un air d’opéra classique. Il s’élance avec des paroles aussi engagées que celles des Cowboys Fringants, et dans une élancée vocale plus qu’impressionnante, c’est un tremolo après l’autre que L’Amour nous entraîne dans les plus grandes failles de la politique québécoise.
«Ha! La politique. Moi je suis pas fait pour ça. Pauline Marois nous dit qu’elle nous aime. François Legault nous fait la cour aussi. Amir Khadir nous aime à mourir. Et Jean Charest nous aime aussi sans arrêt.»
Ha! La politique est une œuvre qui symbolise à la perfection l’indécision des québécois à choisir une personne compétente pour les gouverner. Malheureusement, les spécialistes n’ont pas compris à temps le sens véritable de l’œuvre, qui était en fait une candidature de Normand L’Amour pour la gouvernance de la province.
Si vous reconnaissez l’air de Babine de noire, c’est très normal. Il s’agit en effet d’une copie conforme de Toute Noire, sans l’introduction de départ. Pourquoi en parler alors? C’est que, pour Normand L’Amour, la dualité entre ces deux œuvres est de la plus haute importance. Alors que Toute Noire représente une histoire d’amour entre deux cultures, Babine de noire est une histoire d’amour entre deux cultures, mais moins longue. Les connaisseurs comprendront ici la subtilité qui prouve que, modeste, Normand L’Amour n’hésite pas à retravailler ses œuvres pour leur donner un sens nouveau, plus actuel.
C’est la passion pour la musique qui ressort de l’analyse de Do du do du de le. Ici, L’Amour nous raconte son engouement lorsqu’il entend un air de guitare. Débutant avec des accents des années 80, l’œuvre se poursuit en une envolée presque psychédélique qui représente à la perfection la passion de l’artiste face à une musique de qualité. Les paroles ne font que la confirmer :
«Quand qu’y entendait des guitares qui pleuraient dans le coin, quand qu’y entendait des guitares y’avait envie, y’avait envie, envie, envie, envie, vous savez pas, vous autres, y’avait envie, envie, envie, envie, envie, envie, de do do do do do do do do do du du du do du du do du do du do du do du deler… Y’essayait.»
Do du do du de le est considérée comme beaucoup comme l’apothéose de l’art de L’Amour, puisque vers le milieu de sa performance, l’artiste entre en transe, y allant des plus belle syllabes du répertoire québécois, crachant son âme et sa salive, nous faisant vivre le plus beau moment d’extase jamais enregistré.
1. L’achigan
Nous en sommes maintenant à ma chanson préférée de Normand L’Amour. Pourquoi celle-ci? Ce n’est pas la plus révolutionnaire, ni celle dont les paroles sont les plus drôles. Mais c’est celle qui possède, à mon humble avis, la plus grande profondeur. Pensée qui est d’ailleurs sûrement partagée par l’artiste, puisqu’en milieu de chanson, il arrête tout et recommence depuis le début. Une technique sagement utilisée pour que le public comprenne bien la profondeur de ses propos, et puisse ensuite assimiler la suite plus facilement.
Une action empreinte de gentillesse et de compréhension pour Normand L’Amour. L’artiste va même jusqu’à proférer un discours de préparation pour sa chanson, qu’il considère probablement aussi comme étant sa plus difficile d’accès à ce jour :
«Hey, vous autres! Ha ha ha! Arrêtez de niaiser là, pis allez danser! C’est ma musique, là, Normand L’Amour! Ha ha! Attendez pas, là! Embarquez, pis dansez!»
Ces précautions sont nécessaires, puisque dans les secondes qui suivent, le public se voit entraîné dans un rythme endiablé qui nécessite un avertissement digne de ce nom.
L’achigan, c’est la chanson écrite par Normand, pour Normand. Vers la fin de la chanson, il se livre lui-même en déclarant à maintes reprises «Henri m’a dit que j’faisais des gros progrès pour chanter dans l’professionnel.»
Que de joie pour un artiste à ses débuts. C’est donc d’une chanson très personnelle dont il est ici question, ce qui justifie amplement son statut d’œuvre majeure de Normand L’Amour.
Mais, à raison d’une chanson par jour, il est pratiquement impossible de dresser une liste exhaustive des meilleurs succès du chansonnier québécois.
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