Le jeune trio torontois Badbadnotgood porte heureusement mal son nom. La formation ne cesse de gagner en popularité dès que de nouvelles personnes entendent sa musique. Dans un monde où le jazz est, jusqu’à un certain point, passé de mode, le style de BBNG qui mélange le jazz à de très fortes influences rock, électro et hip-hop se laisse très bien écouter, et les solos semblent mieux passer dans ce contexte. L’album III offre des compositions éclectiques qui arriveront à toucher divers public pile dans les émotions.
La première pièce de l’opus est Triangle. Celle-ci rappelle beaucoup le genre du défunt groupe E.S.T., qui avait fait d’un style jazz-rock sa marque de commerce. Les variations dans l’intensité apportent une belle touche à celle qui démarre l’album III. La batterie se fait plutôt agressive, et est peut-être plus proche d’un beat de hip-hop que de rock ici. Reste que l’ensemble est très solide et le hook marche parfaitement.
Can’t Leave the Night offre une intro qui rappelle vaguement le style qu’a déjà eu Linkin Park. Et Confessions apporte une ambiance plus intime, avec l’ajout du saxophone de Leland Whitty, collaborateur au band sur ce titre.
Vient ensuite la longue pièce Kaleidoscope, durant plus de 7 minutes. Au début, elle ne bouleverse aucune convention, mais elle a eu le temps de voir de nombreux build-ups et de changements d’atmosphère, en faisant une compo beaucoup plus complète et surtout plus intéressante dans son ensemble. La douceur et un peu de mystère prennent ensuite la place dans Eyes Closed, pour le premier tiers de la pièce avant de tomber dans une espèce de long solo de basse, avec une groove plus rock-funky qui a duré jusqu’à la presque fin, afin de boucler la boucle et finir en douceur.
Hedron nous amène dans une direction plus hip-hop dans le beat, en prenant près de 2 minutes seulement pour «mettre la table». Vers le milieu de la pièce, ça devient plus intéressant, et ça ne va qu’en s’améliorant. Le prochain titre, Differently, Still, est le plus jazz de l’opus, avec un beat swingué, tout ce qu’il y a de plus jazz conventionnel. Ironiquement, c’est peut-être cette piste qui représente le moins bien le band, pourtant bel et bien étiqueté sous le label de jazz.
Déjà arrivé à la fin, CS60 boucle bien cet album, avec une ligne de drum pas trop lourde, misant plus sur des accents bien placés que sur un gros beat violent. La première partie est plus douce et certainement un peu mystérieuse. Puis on tombe dans une portion électronique (style downtempo principalement, avec quelques drops de basse) de la pièce, jusqu’à la fin de l’album.
Difficile de résumer un tel album, si ce n’est que c’est l’album de jazz parfait pour ceux qui n’aiment pas le jazz. Le drum rock et hip-hop, les mélodies accrocheuses au piano, la ligne de basse archi-dynamique; tout y est pour nous faire oublier la véritable étiquette de Badbadnotgood. Même pour les amateurs du style, il y a bien quelques éléments qui pourront vous accrocher : les solos demeurent très jazzy et rappelons que Alex Sowinski, Chester Hansen et Matt Tavares sont tous les trois formés au jazz avant tout. Un bon album, particulièrement éclectique, qui aura permis au band torontois de se mettre sur la mappe, pour les bonnes raisons.
À écouter : Triangle, Confessions, Kaleidoscope
8,2/10
Par Olivier Dénommée