Tout d’abord, un peu d’éducation : «L’effet Zeigarnik désigne la tendance à mieux se rappeler une tâche qu’on a réalisée si celle-ci a été interrompue alors qu’on cherche par ailleurs à la terminer. Le fait de s’engager dans la réalisation d’une tâche crée une motivation d’achèvement qui resterait insatisfaite si la tâche est interrompue. Sous l’effet de cette motivation une tâche interrompue doit être mémorisée mieux qu’une tâche achevée» (merci Wikipédia). Zeigarnik Effect est le titre que le band montréalais Wiwichu a choisi comme titre de son second opus studio, à peine plus d’un an après la sortie de son premier. Cela donne déjà une idée de l’audace à laquelle on peut s’attendre de la part d’un band de rock expérimental et psychédélique comme celui-ci.
C’est un album assez chargé qu’on nous offre ici : tout près de 40 minutes pour seulement 6 pièces principalement instrumentales. L’opus démarre avec agressivité sur Release the Ramen. Un riff de guitare solide instaure un rythme et les solos réussissent à ajouter à cette énergie tout en nous donnant un aperçu du psychédélisme qui s’en vient dans les prochaines compositions… Aussi, dans Release the Ramen, tout est coupé à quelques reprises par des passes de musique jazz. Étrangement, ça marche et ça ne casse pas trop le rythme.
Selling Goats prend déjà un petit virage funky, avec une belle groove et beaucoup d’effets de guitare. Peut-être même un peu trop, puisque plus on avance dans cette pièce de 4 minutes, plus le son de la guitare devient envahissant et perd de sa mélodie. La passe, au milieu de la compo, où la guitare prend une petite pause, est une véritable bénédiction. Enfin, il y a des bonnes idées musicales, mais elles ont juste été trop exagérées par le musicien et pas assez baissé au mixage.
Cela nous amène à une longue pièce ambiante à la Tool appelée Useful Fictions. Ambiance un peu lugubre, ligne de basse répétitive, la mélodie est représentée par des bruits de guitare, jusqu’à ce qu’une flute entre en scène et vole la vedette. Cela peut surprendre, du Tool avec une flute, mais on s’y habitue étrangement. On a droit à un build-up bien ficelé jusqu’à la fin, afin de finir avec la flute en solo.
Malheureusement, la flute repart aussi vite qu’elle est arrivée et on revient à une formation de rock conventionnelle sur Hapax Legomenon. On a droit ici à de gros riffs lourds, avec un son plus garage que sur les autres pistes. Le son de batterie semble moins bien enregistré que sur les autres pistes de l’album, mais on s’y habitue et cela ajoute à la lourdeur créée par Wiwichu. Le rythme s’accélère drastiquement aux deux tiers de la piste, nous laissant croire qu’on passait du hard-rock au thrash metal, mais en fait, on laisse la place à un duel de sax et clavier.
La pièce-titre, Zeigarnik Effect, prend rapidement une tournure incompréhensible. Personne ne semble vraiment jouer la même chose. Au milieu de ce brouhaha expérimental, un solo de synthé apparaît. Si à certains moments, on sent la cohésion de groupe revenir, cela ne dure jamais longtemps est le noise créé par l’ensemble du band reprend bien rapidement le dessus. Cela ne s’améliore pas sur The Intellectuals Fall Off, qui débute pourtant sur une ambiance plus douce, mais qui fera un long build-up de plus en plus psychédélique avec de la guitare qui abuse de plus en plus des effets et des notes aigües. Cela n’aide pas que l’album se termine sur cette pièce de 11 minutes 46.
Peut-être est-ce une coïncidence, mais les titres titre de l’album sont plus longues les unes que les autres, passant de 3 minutes 30, en montant constamment jusqu’à plus de 11 minutes. C’est peut-être aussi une coïncidence, mais plus on avance dans l’album, et plus l’audace et l’expérimentation prend le dessus sur aux mélodies faciles d’écoute. C’est dommage parce que Wiwichu a eu d’excellentes idées musicales, surtout en début d’album, mais ces idées se retrouvent sur des pistes moins longues et ne resteront pas en tête autant que The Intellectuals Fall Off qui termine l’album sur un énorme maux de tête.
Vous pouvez écouter l’album sur la page Bandcamp du groupe.
À écouter : Release the Ramen, Useful Fictions, Hapax Legomenon
7,1/10
Par Olivier Dénommée