Un Navert bien apprêté
Une nouveauté dans le monde déjà bien garni de l’électro-pop, le duo francophone Navert nous sert Temps bipolaire, une table d’hôte bien sentie au son pas trop réchauffé.
Oui, elle est succulente, Annie-Claude Navert, dans ce projet portant son nom. Portant son nom mais aussi sa voix sur les douze morceaux de Temps bipolaire, album clair sans thème audacieux, un apéritif électro-pop qui se consomme sans modération. Cette auteure-compositrice-interprète est accompagnée sur tous les morceaux de l’auteur-compositeur-réalisateur Guillaume Chartrain qui ne manque pas de talent; certains reconnaîtront sa saveur sur quelques morceaux de Daran et de Louis-Jean Cormier.
Pourquoi encore de l’électro-pop? N’avons-nous pas la bouche pleine de ce genre en pleine effervescence, avec notamment la dernière recette d’Ariane Moffatt, le savoureux 22h22? Une première bouchée dans Temps bipolaire permet de répondre facilement à ces interrogations : oui, ça passe, et oui, on en redemande! C’est surtout cette voix, Annie-Claude Navert est une crème glacée des plus rafraîchissantes tout au long de l’album, et Guillaume Chartrain, visiblement la plus fidèle des sauces Tzatzikis face à sa friande compagne.
Tout d’abord l’entrée sait nous capter. Dès la première note on le sent, ce sera électro et ce sera bon. Leslie nous borde dès le départ tel la plus champêtre des salades, et met très bien la table pour Ta cadence. Cette 4e piste est très vocale, mais bien plus exquise est la bass-line rythmée qui touche directement l’âme. Vous savez, cette basse citronnée qui cherche loin, dans les confins du désir et de l’appétit. Il est facile de s’y perdre, de rêver, d’y revenir et d’aimer. De la bonne musique quoi.
Trouve asile nous rappellera que le son est très années 80, Falaise, qu’il s’agit d’une grande performance vocale. Il est facile d’en redemander : l’album est à plusieurs services, un buffet ouvert à tous. Surtout servez-vous, prenez de cette fraîcheur, appropriez-vous-la, il est encore trop rare aujourd’hui de manger un bon repas.
C’est sur les thèmes que Temps bipolaire sera jugé un peu trop léger. L’amour c’est bien, mais l’art peut faire bien plus. Il est sans doute trop tôt pour réclamer de l’art politique de ces deux très jeunes artistes. L’avenir nous dira si ceux-ci savent servir d’autres choses, d’autres saveurs plus rugueuses.
Ils sont donc deux, une femme et un homme, une voix et une bass, bipolaire mais ensemble pour la musique. On en oublie que le Temps file, qu’on peut rêver à la douce mélancolie qui se digère bien. Montréal peut proclamer son Phantogram : Navert a de la saveur, beaucoup. Reste à l’apprêter, le faire cuire, l’épicer, et puis finalement, le manger (sans modération).
Bon appétit !
Dégustez l’album sur la page Bandcamp du duo.
À écouter : Ta Cadence,Trouve asile, Falaise
7,5/10
Par Samuel Lamoureux