Sorti le 15 décembre 2014 / Lancement le 3 avril 2015
Alors qu’on a l’impression d’avoir à peu près fait le tour d’un style aussi vieux que le jazz, la violoniste Lisanne Tremblay arrive comme une bouffée d’air frais. Son instrument, assez peu conventionnel, permet d’explorer d’autres avenues dans ce registre. Première diplômée en Interprétation jazz au violon à McGill, elle a été assez remarquée pour sortir son premier album sur l’étiquette américaine Inner Circle. Pas mal du tout pour la Québécoise.
Après avoir testé sa musique dans plusieurs festivals de jazz, ses compositions se retrouvent enfin enregistrées en studio. J’avais d’ailleurs eu le plaisir de la découvrir il y a maintenant 2 ans sur scène.
L’album, d’une dizaine de pièces, débute avec la pièce-titre Violinization. Décrit par l’artiste comme une composition qui reflète l’évolution de son processus, elle offre de beaux élans de virtuosité, mais aussi une musique d’avant-garde qui nécessite une certaine d’ouverture d’esprit. Cela se comprend : le violon est un instrument où il est encore possible d’expérimenter, et Lisanne Tremblay se gâte ici avec son quatuor.
Plus facile à apprivoiser, Change offre un registre jazz-rock sympathique, du moins au début. Avec un tel nom, il était incontournable qu’on allait jouer dans les instrumentations ou les progressions. Le pianiste Rafael Zaldivar y a aussi son solo. D’ailleurs, son influence semble transparaître dans plusieurs titres aux accents afro-cubains, son style de prédilection. On peut d’ailleurs l’entendre sur la ballade Corde sensible et Cubanisada.
Son côté québécois s’entend dans des titres comme Hoppelaye, expression qu’on semble soudainement entendre dans les doigts du contrebassiste Rémi-Jean LeBlanc dans une portion de la pièce. Dans l’ensemble, on a droit à une compo agitée et surtout tendue. Plus empreinte de mystère, Hacker est aussi plus amicale pour l’oreille, malgré une montée en intensité qui mène à un solo de batterie (de Philippe Melanson), puis de violon aux accents orientaux. C’est une des pièces plus longues de l’opus (un peu moins de 8 minutes), mais la qualité de son build-up vaut bien cette durée. Tag, qui suit, porte bien son nom : une pièce rapide et virtuose où les musiciens se pourchassent. Étourdissant à la première écoute, mais on apprend bien vite à l’apprécier.
Enfin à Ataraxie, on se calme un peu. Du moins on ralentit le tempo, puisque la violoniste y offre un long solo bien senti. C’est surtout le calme avant la tempête, puisque Stellar Coincidence ne sera pas de tout repos. Son processus création, différent des autres compositions de l’album, mène jusqu’à une improvisation collective de l’ensemble : quatre musiciens qui laissent aller leur imagination en même temps. L’exercice rappelle certaines compositions de François Bourassa.
L’opus se termine avec sa seule pièce vocale : Con Toda Palabra, une chanson de Lhasa De Sela. Une finale parfaite, empreinte de douceur, voire de sensualité, après un album assez mouvementé comme celui-ci.
Lisanne Tremblay est encore jeune : après seulement un album, les opportunités sont encore toutes ouvertes devant elle. Elle a l’avantage de jouer un instrument encore méconnu dans le milieu jazz. Violinization est la preuve qu’elle a bel et bien sa place dans cet univers il lui reste à définir la place qu’elle souhaite y occuper. Dans cet album, c’est plutôt son côté avant-gardiste et expérimental qu’on a pu entendre; après tout, elle avait des musiciens assez bons y arriver. Nous verrons si, dans l’avenir, elle continue à approfondir cette voie, audacieuse mais difficile d’accès pour un large public.
À écouter : Change, Tag, Con Toda Palabra
7,6/10
Par Olivier Dénommée