Le groupe finlandais Apocalyptica est en constante évolution, cherchant à se peaufiner d’album en album. Le dernier «vrai» album studio datant de 2010, le band a eu le temps de bien réfléchir avant de préparer Shadowmaker, son huitième opus studio (si on oublie Wagner Reloaded, sorti fin 2013). Une personne (comme moi) qui suit l’histoire du groupe depuis ses débuts y verra tout de suite l’évolution flagrante, parfois inquiétante qu’a traversée Apocalyptica.
Mettons tout de suite quelque chose au clair : si vous aimez Apocalyptica uniquement pour ses pièces instrumentales, mauvaise nouvelle pour vous : Shadowmaker ne contient que trois titres sans paroles (dont une intro), alors que jamais auparavant on ne retrouvait plus de quatre pièces chantées sur les albums. Le virage amorcé lentement avec l’album Apocalyptica en 2005 est alors complété en 2015. Cependant, cette fois, au lieu de faire appel à différents vocalistes, le band a demandé à Franky Perez (ancien guitariste de Scars on Broadway qui a aussi sa carrière solo comme chanteur) de s’occuper de l’entièreté du contenu vocal, ajoutant une cohésion que la band n’avait jamais tout à fait réussi à atteindre jusqu’à présent.
I-III-V Seed of Chaos fait office d’introduction à l’album. Une intro lourde et ambiante, qui nous rappelle déjà le virage plus progressif et sombre de l’album 7th Symphony. Cela nous amène à la première vraie chanson de l’album, Cold Blood. Un premier pas solide qui nous rappelle que le groupe a choisi avec soin son chanteur. Perez arrive à chanter avec intensité, mais arrive à jouer dans les nuances, chose nécessaire pour un band métal sans être complètement métal comme Apocalyptica. Refrain très efficace aussi, quoi que je ne suis pas entièrement convaincu par l’élan constamment coupé vers la fin de celui-ci.
La pièce-titre Shadowmaker vient ensuite. Un peu longue du haut de ses 7 minutes 36, elle met de l’avant le côté progressif du groupe avant quelques portions instrumentales plus longues et des changements d’énergie nombreux. Une passe en particulier, qui sera répétée à quelques reprises (la première fois à 4min30), rappelle (malencontreusement) Makeover qu’on entend dans un fameux épisode de la série Clone High. Un autre registre, disons.
Dans un registre plus gentil, comptons Slow Burn et Hole in my Soul, qui mènent à l’agressive House of Chains.
Enfin une pièce instrumentale! Riot Lights arrive à point et nous rappelle rapidement pourquoi on aime tant les compos instrumentales de ce genre musical. Plus fortes que les mots, les mélodies sans paroles peuvent venir nous chercher avec les interprétations qu’on veut bien y prêter. Apocalyptica n’arrive pas à recréer des compositions à la hauteur de son album de 2005, mais Riot Lights arrive tout de même comme un vent de fraîcheur dans nos oreilles.
Sea Song (You Waded Out) vient ensuite. Une chanson particulièrement douce par rapport aux autres de l’opus, elle a un petit quelque chose de plus planant, voire berçant. Le refrain y a certainement un rôle à jouer. Encore dans la douceur (du moins au début), on retourne à l’instrumental avec Till Death Do Us Part. Une mélodie simple et lyrique qui évolue sur un fond qui devient de plus en plus intense à chaque minute. Notez qu’elle dure près de 8 minutes. Bien qu’on se perd un peu au fur et à mesure que la pièce avance, cela se conclut finalement très bien, de retour à la douceur. Douceur qui nous amène tout à la chanson finale. Dead Man’s Eyes, qui garde le registre jusqu’à la fin, sans soubresaut. On finit même avec de la pluie.
En analysant l’évolution de l’album, on réalise que les pièces accrocheuses et rythmées dominent la première moitié de l’opus, et que les compositions plus douces apparaissent à la fin. Un album contrasté, coupé au couteau, qui correspond au livret (avec des images tantôt tout en blanc (comme sur la couverture), tantôt tout en noir). Vu sous cet angle, cet album en apparence inégal s’explique mieux.
Quant au virage vocal du groupe, Apocalyptica en a fait, du chemin. On avait entendu des voix pour la première fois en 2001, avec des résultats mitigés. Sur Shadowmaker, on en oublie presque les origines du band. D’ailleurs, plusieurs effets font ressembler les violoncelles davantage à des guitares. Quoi qu’en disent les fans de la première heure, le groupe a gagné en maturité et en assurance et semble avoir une vision plus précise que jamais de la direction qu’il prend.
À écouter : Cold Blood, Sea Song (You Waded Out), Dead Man’s Eyes
8,1/10
Par Olivier Dénommée