Je n’avais entendu que quelques parcelles lyriques de ce slameur français surnommé Grand Corps Malade. Quelques pièces çà et là dont j’avais apprécié la poésie. Car c’est effectivement le côté lyrique que sa musique fait ressortir, outre sa voix gutturale, en premier plan devant un fond musical se prêtant maintes fois à de légers, mais touchants duos d’instruments. Sous les accompagnements de batterie-piano, batterie-violon, piano-instruments à vent, GCM nous offrait en 2013 un album dont les textes sont probablement les plus travaillés et réfléchis que j’aie entendus.
Si l’on peut coucher sur papier quelques similitudes entre le rap et le slam pour le chant, il est toutefois bon de mentionner que l’écoute des chansons de GCM ne doit se faire lorsqu’on a envie de danser, ou de recevoir une décharge de rythmes effrénés comme pendant l’écoute de chansons rap. On doit s’armer d’un attirail comptant tout au plus une tisane.
GCM a bien choisi son style, à intonations vacillantes, mais notablement peu changeantes dans l’ensemble, c’est-à-dire qu’on ne le verra pas crier, ou bien murmurer. Il n’y a que dans la pièce-titre de l’album, Funambule, que la prose de GCM est, toujours habilement, accélérée. Des thématiques très sérieuses, presque existentielles, nous sont déballées à force qu’on s’enfonce dans l’album d’une philosophie très décomplexée. La vie, le temps qui passe, les ruptures, les technologies, le système néolibéral, tout y passe. Tandis que dans certaines pièces comme Au théâtre, GCM s’adresse directement à l’auditeur, d’autres comme Le bout du tunnel dresse le récit de vie d’un personnage, sous forme narrative à la troisième personne.
Notons ici l’originalité de chaque pièce, de par son histoire, mais aussi par l’utilisation polyvalente d’instruments dont les lignes se marient drôlement bien. Le piano/vent dans Les 5 Sens. La batterie et le violon dans Le bout du tunnel et ses trompettes aux mélodies posthumes résonnent de leur plus bel attrait dans Le bout du tunnel.
Les titres, bien qu’ils synthétisent l’essence de leur pièce, ne dévoilent pas la direction exacte que la chanson prend. Par exemple, pourrait-on savoir que Funambule est la métaphore d’un message se voulant défenseur de l’attitude spontanée, non planifiée, du moment présent d’un individu? Pourrait-on savoir, seulement avec le titre Le Manège, que ce morceau compare le carrousel à une horloge et le temps qui lui est associé et qui ne cesse jamais d’avancer?
«J’aime bien conduire le soir au moment où la nuit s’amorce / J’aime bien les paysages quand le soleil perd de la force / L’étrange humeur maussade, le crépuscule dans le ventre / Observer les détails quand chaque minute se réinvente»
L’écoute musicale, pour moi, est probablement trop souvent résumée aux écoutes instrumentales accompagnées de prouesses vocales. Voilà donc une bonne occasion pour moi (et peut-être pour vous) de découvrir la créativité lyrique, élément souvent oublié du vaste domaine musical. Tout ça dans un album somme toute… balaise, comme diraient nos amis français.
À écouter : Le bout du tunnel, Pause
8,3/10
Par Mathieu Laferrière