Avec le succès de son troisième album Fly, le band montréalais Will Driving West semble devenir de plus en plus en demande pour son folk sombre et mélancolique, mais aussi terriblement accrocheur. WDW avait aussi débuté un ambitieux projet appelé 50 Covers, qui, comme le nom l’indique, consiste à produire des reprises de chansons avec la sonorité folk-pop qu’on connaît au groupe. Ce projet n’est actuellement plus disponible sur Bandcamp, mais est plutôt partiellement devenu l’album Grand Theft Music, qui retient 11 titres de la trentaine déjà enregistrée.
Il faut dire, Will Driving West s’amuse pas mal ici. Si plusieurs chansons collent parfaitement à la voix de David Ratté, plusieurs prennent presque un ton parodique, tellement les titres souvent très pop ne collent pas tout à fait à la contagieuse mélancolie du band.
Le début de l’album se veut assez sérieux : White Flag de Dido, I Love You de Woodkid et Breathing Underwater de Metric. Déjà, le ton de voix de Will Driving West convient très bien à ces chansons. Ensuite, le indie-folk un peu brumeux ne leur fait pas de mal du tout. Même que la version WDW de I Love You apporte une autre dimension, malgré l’absence de l’instrumentation épique de l’originale. Cela permet de nous concentrer sur la force de la mélodie, qui était peut-être trop diluée dans la version originale. La version plus aérienne de Breathing Underwater vaut aussi le détour, étant épurée des sonorités synthpop très présentes dans l’originale. Une perspective intéressante.
Là où le fun commence : Baby One More Time de Britney Spears. Bien que la version ait de quoi faire sourire, on sent que David Ratté ne se croit pas à chaque fois qu’il dit «baby». Ce qui n’enlève pas quelques très bonnes passes, comme celle de piano qui prend plus de place dans le dernier quart de la chanson. Vient plus tard Crazy de Gnarls Barkley, aisément la chanson la moins convaincante de l’album; c’est là qu’on voit les limites du son de WDW. Par contre, belle surprise pour Beautiful de Christina Aguilera, avec une version presque «au coin du feu». Par contre ce n’est pas le genre de chanson où une voix masculine arrive exactement à l’effet voulu (et on se souviendra de la version punk-rock très assumée de Me First and the Gimme Gimmes).
Révélation : le chanteur serait la version masculine de Lana Del Rey (vocalement seulement!). On peut difficilement imaginer un meilleur ton pour son interprétation masculine de Born to Die. Après, à savoir si c’était une blague ou non de jouer la musique de l’icone de la pop déprimante, il faudra demander au band.
Dans les autres versions mémorables de l’opus, notons Praise You de Fatboy Slim, qui offre une belle surprise auditive. Plus énergique que la majeure partie de l’opus, plus sobre que la version originale.
La version adoucie de I Can See Clearly Now de Johnny Nash figure parmi les belles surprises de fin d’album. On perd un côté soul au profit d’un folk léger qui ne fait pas de tort. Cela nous amène déjà la conclusion, The Days Have Turned de John Frusciante. La chanson originale, bien que poignante, n’était pas du tout mise en valeur par la voix de l’ancien guitariste des Red Hot Chili Peppers. Will Driving West offre alors une version beaucoup plus agréable à l’oreille, parfaite pour conclure Grand Theft Music.
L’album en est définitivement un de WDW. On reconnaît tout de suite sa signature, même si on se limite à des reprises ici. Cet album, finalement assez léger, servira surtout à donner le sourire aux fans déjà gagnés d’avance et les aidera, souhaitons-le, à patienter un peu plus longtemps avant d’avoir droit à du nouveau matériel. Mais ce qui fait la vraie force du groupe, c’est l’intensité de ses compositions, qu’on n’arrive pas à retrouver dans cet exercice de style sympathique, mais loin d’être aussi poignant que le précédent album par exemple.
À écouter : I Love You, Praise You, The Days Have Turned
7,4/10
Par Olivier Dénommée