La musique sacrée a longtemps été associée au classique, puis plus récemment au gospel, mais bien rarement au jazz. Si certains jazzmen ont fait allusion à la foi dans leurs compositions, rares sont ceux qui vont aussi loin que le guitariste et compositeur Sylvain Picard avec «messe-jazz», commandée par le Gesù. Avec lui dans l’aventure : Yannick Rieu (saxophones), Maxime St-Pierre (trompette) et Guy Boisvert (contrebasse).
L’œuvre est chargée et, si elle est prise comme un gros bloc en plusieurs mouvements, cela peut s’avérer lourd à écouter. Ma première écoute a été pénible pour cette raison. L’écoute de l’album Gloria sera beaucoup plus amicale si on apprécie le tout un morceau à la fois, qui seront de toute façon tissés ensemble dans le concept de suite jazz.
Déjà, les premières secondes de Introït – Suite souveraine feront peur à certaines oreilles. On se souvient des sons en apparence aléatoires de Le chant du p’tit gny de François Bourassa (sur lequel jouait aussi Boisvert), mais après environ deux minutes, on passe à autre chose. C’est que la compo dure 12 minutes et comportes différents mouvements. On passe donc volontiers à la douceur, avec tout de même un crescendo vers la fin de la piste.
L’album se poursuit avec Kyrie – Une douleur indicible, qui débute doucement avec la contrebasse et où plusieurs variations en intensité se font entendre. D’autres compos reprendront cette formule de douceur initiale qui laissera place à un ou plusieurs build-up par la suite comme la pièce-titre Gloria par exemple.
Les variations se feront nombreuses dans cet album, mais elle demeureront essentiellement très bien dosées. Et si toutes les mélodies ne sont pas aussi mémorables, on retrouve divers moments forts dans presque toutes les pièces, comme l’excellente ligne de brass dans Gloria, cette mélodie entraînante de Alléluia – L’envol, cette noirceur audible de Offertoire – Seul dans le doute, ou encore la douce finale qu’offre Outroït – Le cœur léger.
Pour ce qui est de l’aspect religieux de l’exercice, il est très discret et si ce n’était pas des titres des compositions, on l’oublierait presque complètement. Ceci étant dit, aucun doute qu’une interprétation live dans une église changerait complètement la dynamique de ce disque. Psaume – Le chant du peuple, Offertoire – Seul dans le doute et Agnus Dei – Contemplant les crevasses du temps risquent de prendre une tangente complètement différente en spectacle avec la bonne acoustique. Mais dans un salon, Gloria s’adresse aux amateurs de jazz at large et c’est très bien comme ça. Ce n’est, évidemment, pas aussi accessible que les jeunes musiciens qui s’inspirent de plus en plus ouvertement des artistes pop et rock dans leurs compositions, mais outre le début de la première piste, il n’y a aucun moment qui risque de vraiment faire grincer des dents. Enfin, certaines pistes auraient pu être raccourcies un peu, surtout qu’à part la dernière, toutes font au moins 5 minutes. Mais en même temps, n’est-ce pas commun d’avoir des longueurs dans des messes?
À écouter : Gloria, Psaume – Le chant du peuple, Outroït – Le cœur léger
7,8/10
Par Olivier Dénommée