Ceux qui suivent le trompettiste montréalais Jacques Kuba Séguin depuis quelques années se souviendront de son album, Litania Projekt, paru en 2012. Il y jouait avec son ensemble et un violoniste polonais pour l’occasion. Près de quatre ans plus tard, il lance un album au nom similaire, Litania Projekt, avec le Quatuor Bozzini, où il retente un audacieux mélange entre le jazz et le classique, cette fois avec un quatuor à cordes pour l’accompagner.
L’œuvre de sept pistes s’ouvre sur une suite en quatre mouvement, Études des lueurs. Le Mouvement 1 y va d’une ambiance mystérieuse et lente, mettant rapidement de l’avant le talent de mélodiste de Jacques Kuba Séguin. Par contre, on sent que ce n’était qu’une brève intro (de moins de deux minutes) à la vraie musique qui suit : le Mouvement 2 est plus chargé, durant près de dix minutes, et offrant plusieurs beaux moments tantôt très légers, tantôt plus intenses. Le Mouvement 3 laisse brièvement la place au quatuor à cordes, qui semble jouer de façon aléatoire, ou en tout cas extrêmement tendue. Finalement, le Mouvement 4 revient à quelque chose de plus doux pour l’oreille, du moins au début. Une certaine mélancolie se dégage de ce dernier mouvement, qui prend des airs solennels lorsque le trompettiste se fait entendre. On laisse aussi une grande place aux solos, notamment à la contrebasse de Frédéric Alarie et ensuite celui – très convaincant – de Jacques Kuba Séguin. Par contre, ces solos durent la majeure partie du mouvement, ne revenant même pas au thème avant de se terminer presque soudainement. Bref, des quatre mouvement aux intentions bien différentes, le plus accessible est définitivement le second.
Une fois la suite terminée, on a encore droit à quelques autre titres. Le premier, Miłość ci wszystko wybaczy, offre une belle lenteur, même berçante par moments. Il y a bien quelques changements de tempo, mais essentiellement, on se laisse volontiers guider les yeux fermés. Quant à Magda’s Tango, c’est probablement la pièce qui permet le plus au Quatuor Bozzini de démontrer son sens de la nuance, dans cette pièce à la subtile énergie. Finalement, Krajobraz dla Miniaka (paysage pour Muniak) clôt l’opus avec un dernier morceau lent, quoique plutôt chargé. C’est quand même une pièce de 12 minutes!
En une cinquantaine de minutes, on a pu entendre beaucoup de belles choses. Kuba Séguin et ses musiciens savent jongler aisément avec les genres, pouvant passer au jazz léger à quelque chose de plus corsé, bifurquant vers les sonorités classiques sans problème. Quelqu’un qui tenterait de mettre une définition clair sur ce qu’est le Litania Projekt qu’il aurait mal à la tête. C’est ce qui fait la force de l’album, de n’entrer dans aucune case définie. En revanche, lorsqu’on sort de la boîte, on s’adresse aussi généralement à un public plus restreint. On cherche à rejoindre les deux publics ici : certains morceaux parleront aux néophytes qui pourront apprécier les mélodies et les rythmes sympathiques de l’album, alors que d’autres expérimentent davantage, et plairont aux amateurs de jazz plus «aventureux».
Dernière remarque : le Quatuor Bozzini est beaucoup plus discret dans l’enregistrement que ce à quoi on pouvait s’attendre. Dans le précédent album du Litania Projekt, le violoniste Adam Baldych occupait pourtant une place de choix dans les arrangements. C’est dommage, parce qu’un ensemble à cordes pouvait certainement apporter encore plus de couleur à l’enregistrement!
À écouter : Études des lueurs – Mouvement 2, Miłość ci wszystko wybaczy, Magda’s Tango
7,6/10
Par Olivier Dénommée