Le quatuor à cordes français Ébène s’est donné comme défi de rendre justice à certaines des compositions les plus importantes de Franz Schubert (1797-1828), s’attaquant à son Quintette en ut majeur, écrit quelques mois après sa mort. Pour l’occasion, le quatuor est devenu un quintette avec l’ajout du violoncelliste Gautier Capuçon à la formation comptant déjà Pierre Colombet (violon), Gabriel Le Magadure (violon), Adrien Boisseau (alto) et Raphaël Merlin (violoncelle).
Dans le livret, on ne retrouve que de beaux mots du Quatuor Ébène pour cette riche composition du romantique maître de la musique de chambre. La composition de ce quintette est complexe, sans être désagréable pour l’auditeur. L’intensité, elle, variera énormément à travers un même mouvement et d’un mouvement à l’autre : on a quand même affaire à quatre mouvements totalisant 55 minutes!
Malgré la longueur plus que respectable pour cette seule pièce, le Quatuor a tenu à ajouter d’autres œuvres majeures de Schubert. Il y ajoute ainsi une sélection de cinq lieder, dont les arrangements ont été réalisés par le violoncelliste Raphaël Merlin, pour permettre une version où le piano est remplacé par le quatuor et une contrebassiste invitée, Laurène Durantel. À la voix, on a fait appel au baryton Matthias Goerne.
Que dire sur l’interprétation du Quintette en ut majeur? Cette version est sincère, avec tantôt de puissantes montées en intensité, tantôt un douceur chantante. Déjà le premier mouvement est marquant pour ses changements drastiques, tous parfaitement interprétés, malgré sa longueur imposante de 20 minutes. Tout de même, coup de cœur pour le mouvement II, Adagio, qui nous prend par surprise à chaque fois vers le milieu, peu importe le nombre de fois qu’on l’écoute.
Mais ce qui nous intéresse davantage, c’est l’interprétation des lieder, comme les arrangements ont été taillés sur mesure pour Ébène. Les cinq chansons sélectionnées ont sont toutes empreintes d’une douce mélancolie, et l’arrangement pour cordes ajoute certainement à cet effet très réussi. Le choix du chanteur est aussi impeccable : Matthias Goerne maîtrise son interprétation, tout en laissant juste assez d’espace aux autres musiciens. La version de Der Tod und das Mädchen, malgré ses brèves deux minutes, ne manque pas d’intensité, surtout au tout début. Mention également à la délicieuse version de Atys, aux arrangements presque berçants dans la première moitié et à la finale de l’opus, Der liebliche Stern, finissant le tout en douceur.
Les interprétations de Franz Schubert sur disque sont nombreuses et ne manquent pas. Mais celle faite par le Quatuor Ébène s’ajoute aux bonnes qui, espère-t-on, passeront à la postérité. Autant le Quintette est à point, autant les lieder sont rafraîchissants de par leurs arrangements. Un album qui mérite une bonne écoute, du moins pour les amateurs du compositeur ou de l’ère romantique en général.
À écouter : Quintette en ut majeur – I Allegro ma non troppo, Quintette en ut majeur – II Adagio, Der liebliche Stern
8/10
Par Olivier Dénommée