Sorti le 18 mars 2016
Le Trio Jérôme Beaulieu avait lancé deux albums ces dernières années, obtenant toujours une popularité grandissante auprès du public d’ici. Depuis, le trio a choisi un autre nom, Misc, qui enlève le spotlight placé sur le pianiste pour le mettre sur tout le groupe, participant pleinement à la chimie qui crée ce son si agréable.
Malgré la nouvelle identité, le line-up (Jérôme Beaulieu, William Côté et Philippe Leduc) et le mandat de Misc demeurent : créer un jazz à fortes influences rock, et avec non seulement des compositions inspirées, mais aussi des reprises de chansons tirées du registre populaire. Cette fois, on a droit à du Blonde Redhead, du Daniel Bélanger et du James Blake, arrangées de façon méconnaissable pour cette formation trio. Cependant, une chose est très reconnaissable : cette influence du E.S.T., défunt trio qui a révolutionné le jazz moderne à sa façon et qui façonne encore le son de beaucoup de jeunes bands de jazz-rock aujourd’hui.
Débutons avec, ironie certainement voulue, La fin : une pièce mystérieuse pièce de huit minutes contenant un long crescendo en intensité. D’ailleurs, les montées bien ficelées sont une des signatures de Misc. L’autre signature, elle arrive à la seconde moitié : des solos qui rappellent qu’on a véritablement affaire à des jazzmen, mais sans faire fuir le grand public. Tout est dans le dosage et Misc n’a jamais eu de problème à le trouver.
Vient ensuite Messenger (de Blonde Redhead). Après avoir écouté la version originale, on comprend l’inspiration pour une version jazzy, mais il faut admettre que Misc amène vraiment la chanson ailleurs. Le moment le plus fort est quand la contrebasse est jouée avec l’archet, alors que le reste du trio joue aussi avec davantage d’intensité. Unlucky, juste ensuite, y va d’un air plus discret, cachant encore un long et habile build-up. Pour ce qui est de la reprise de Respirer dans l’eau (de Daniel Bélanger), cela prend un certain temps, mais on a droit à la même montée vers la fin.
Contrairement à son titre, Les années molles est loin d’être mou. S’il y en avait une qui devait se démarquer des autres pour sa puissance, c’est bien celle-ci. Avec raison : la batterie rentre particulièrement au poste aux moments-clés, et on a droit à certaines des plus belles lignes de contrebasse de l’opus. À cela s’ajoute les mélodies de piano toujours enlevantes. Cela aurait fini l’album à la perfection, mais il reste une dernière piste, Overgrown (de James Blake). Cette finale est plus modérée, quoiqu’on a droit à une impressionnante montée vers le milieu de la piste. Bien que cette pièce paraît bien pâle après Les années molles, elle finit, tout de même, assez bien l’album, bouclant assez bien la boucle.
La construction de l’album est simple : six chansons, alternant compos et reprises. Pourtant, il serait presque impossible de deviner quels sont les covers si on ne connaît pas déjà très bien les chansons. Le seul vrai indice, c’est la longueur : les compos originales tournent toutes autour de huit minutes. En 40 minutes, on entend beaucoup de belles choses, mais il serait difficile de définir des pièces qui se démarquent beaucoup des autres (avec l’exception de Les années molles). Cet album éponyme s’écoute dans son ensemble, et isoler des chansons ne semble pas lui rendre pleinement justice. Et puis, admettons-le : il s’écoute bien au complet, alors pourquoi s’en priver?
L’album est notamment disponible sur Bandcamp.
À écouter : Unlucky, Les années molles
8,3/10
Par Olivier Dénommée