Sorti le 10 février 2017
Bon. Il est rare que je commence une critique avec un préjugé aussi défavorable, mais il faut dire que le malaise était particulièrement présent dès qu’on a entendu J’aurai ton enfant quand même, qui a inexplicablement paru une bonne idée de single pour cet album 3e acte. Sally Folk s’est fait connaître pour son look et ses sonorités rétro, mais aussi pour ses sujets «alternatifs». Ces sujets reviennent en force dans cet album, avec un arrière-goût particulier.
La première de l’opus, Mon tailleur, laisse place à une certaine ambiguïté. On réalisera rapidement que l’ambiguïté se fait rare sur cet album. Elle est suivie de la très oubliable Bouquet de rose.
Puis c’est là que tout dégringole. J’aurai ton enfant quand même traite de la pire façon possible le sujet du désir de garder son enfant lors d’une grossesse non planifiée. Ajoutons à cela les cuivres à la Stefie Shock dont on abuse, et la terrible ligne «I’ll have your baby» qui n’aurait jamais dû exister dans une chanson sérieuse. La chanson dérange tellement que l’on a tendance à oublier la suivante, Des fleurs à tes pieds, qui contient pourtant un message intéressant sur un sujet qui n’est pas facile. Surtout que la suivante, De l’amour à l’écran, reprend le vaste thème de «l’amour» à la Sally Folk, où elle se présente comme extrêmement difficile en matière d’hommes, en plus de ne rechercher que des relations à court terme.
S’ensuit une sympathique chanson avec comme instrument principal le ukulélé. Après un premier couplet léger, on réalise que 9 à 5 s’essouffle déjà et réussit à devenir une grosse longueur malgré sa durée de 2 minutes. Voici le refrain inspiré : «Enfin la fin de semaine / Enfin la fin de semaine / 40 heures par semaine j’attends la fin de semaine / Enfin la fin de semaine.» Une bonne idée qui tombe terriblement à plat. Ensuite, Sally fait les éloges de Les putains du carrefour. Au mieux, on va l’oublier assez vite, au pire on sentira un malaise, comme le reste de l’album traite presque exclusivement de relations amoureuses ou sexuelles.
La main dessus décrit comment elle manipule son homme, La scène parle de rupture (il faut accorder qu’elle le fait d’une façon originale), Précieuse décrit le personnage comme un peu jalouse en amour (même si elle prétend le contraire)… et La cigogne est tout simplement la pire ballade piano-voix que j’ai jamais entendue : on y découvre qu’elle a eu la cuisse légère et qu’elle n’arrivera pas à savoir qui est le père de son futur enfant avant qu’il naisse. «Je fus confuse mais active / Innocente et incomprise.» Comment, incomprise? Comme si ce n’était pas assez, l’album se termine sur Kamasutra où Sally Folk parle de plein de positions qu’elle tente et qui la fatiguent. C’est comique, mais après autant de chansons sur un thème similaire, c’est peu convaincant.
Les faiblesses de l’album : ses sujets sont au mieux controversés, au pire complètement mal abordés. Le mix est mal fait, comme la batterie prend beaucoup trop de place tout le temps, en plus de certains déséquilibres plus subtils par-ci par-là. Aussi, les arrangements manquent souvent de surprises. La formule a fonctionné par le passé, mais quand on est une artiste nommée à l’ADISQ, il faut aussi savoir se réinventer. Et l’ordre des chansons laisse perplexe. Il y a un thème, une ligne directrice que l’on aurait pu au moins assumer pleinement. Or, ici, c’est pêle-mêle et on sent que les chansons ont été mises là par hasard. Finalement, le single représentait bien l’album : un malaise presque constant pendant 37 minutes. Les quelques bonnes chansons n’arrivent pas à sauver cet album qu’on ferait mieux d’oublier.
À écouter : Mon tailleur, Des fleurs à tes pieds, La scène
4,5/10
Par Olivier Dénommée