Azul – Yo-Yo Ma & The Knights

Sorti le 31 mars 2017

Le légendaire violoncelliste Yo-Yo Ma qui s’associe à The Knights (qui se qualifie de «collectif orchestral à géométrie variable et au répertoire éclectique»)? Ça risque d’être assez intéressant! L’œuvre centrale qui est explorée ici est le concerto pour violoncelle Azul, composé par l’Argentin Osvaldo Golijov en 2006, mais endisqué pour la toute première fois.

Par contre, avant d’en arriver à la pièce maîtresse, on nous propose d’autres pièces : à commencer par Ascending Bird (Siamak Aghaei et Colin Jacobsen), mélangeant de la musique contemporaine à des influences iraniennes. Certaines portions rappellent la fameuse Danse du sabre de Khatchatourian, mais ne retiendra pas l’attention plus que ça. D’autant plus que la piste suivante est la sublime Rusalka: Song to the Moon de Dvořák. Cet air d’opéra est ici arrangé pour montrer toute la beauté du violoncelle de Ma et de The Knights en général. Maintenant que l’on est charmés, il est temps de s’attaquer à la pièce de résistance qui arrive enfin.

Azul de Golijov est bâti en quatre mouvements. Le premier mouvement, Paz Sulfrica, est lent et mystérieux. On sent quand même une certaine tension tout le long et on se demande à quel moment ça peut exploser. On finalement droit à un certain brouhaha après 5 minutes, nous pétant aux oreilles pendant une petite minute, après un build-up qui nous avait finalement prévenus d’avance. S’ensuit Silencio, un autre morceau lent, mais cette fois plus serein, presque zen… du moins pour les 5 premières minutes! Une lourdeur s’impose ensuite, comme marche et change complètement le ton. Le troisième mouvement, Transit, y va pleinement dans le contemporain, lançant des mélodies qui s’en font on-ne-sait-trop-où. Alors que les deux autres avaient une direction claire, celui-ci semble plus aléatoire dans sa construction. Puis vient Yrushalem, qui vient clore avec grâce ce concerto. Le violoncelle y joue une mélodie à donner des frissons, surtout dans la première moitié. Dommage, Golijov n’a pas pu s’empêcher de faire exploser le tout après 5 minutes (il semble faire une fixation sur ce délai).

Après une pièce de remplissage de Karlheinz Stockhausen (disons simplement qu’on l’oubliera bien vite dans cet enregistrement), surprise : la fin de l’album est consacrée à Suite from Run Rabbit Run de Sufjan Stevens. Les quatre pistes sont plutôt brèves et sont, en fait, un réarrangement de ce qui a été fait pour l’album du même nom en 2009 (les pièces étant elles-mêmes basées sur l’album Enjoy Your Rabbit, en 2001) : on ne peut donc pas tout à fait qualifier Sufjan Stevens de compositeur classique. Reste que ses compositions ont inspiré un travail intéressant ici.

Year of the Ox en est le premier mouvement. Respectant la tradition classique, on a droit à des montagnes russes d’émotions, passant de très belles mélodies à des bouts extrêmement tendus. La seule différence, c’est que cela se fait en moins de 3 minutes 30. Sautons au troisième mouvement, remarquable pour sa lenteur et sa douceur, assumée du début à la fin : Year of Our Lord aurait pu être composé par Arvo Pärt que l’on n’aurait pas entendu la différence. Puis dans  la finale Year of the Boar, on assume le rock de Stevens, qu’on avait réussi jusque là à masquer en musique contemporaine. Cela reste un clin d’œil intéressant pour souligner la véritable origine de cette suite. Si elle avait été plus longue, peut-être que la suite aurait fait de l’ombre au concerto Azul, mais ce n’est heureusement pas le cas.

Difficile d’évaluer cet album : la musique est certes jouée avec précision, mais on ne sait pas si on retient davantage les belles portions mélodiques, ou les plus explosives qui nous irritent l’oreille. C’est que les deux facettes sont très présentes et peut-être plus assumées que ce qu’on aurait voulu. Il faut quand même donner à The Knights le bénéfice d’oser enregistrer ce genre de morceaux, et de le faire avec autant de sérieux. Cette musique n’est pas faite pour toutes les oreilles, mais elle en attirera bien quelques-unes et en convertira peut-être à cette musique encore très nichée. Mention aussi pour la suite de Sufjan Stevens, qui montrer un réel désir de se rapprocher du grand public qui cherchera à savoir ce que ce nom connu a à faire dans un album de musique contemporaine. Somme toute un très beau projet, dans lequel on aurait certainement aimé un peu plus des belles mélodies comme Yo-Yo Ma sait si bien jouer.

À écouter : Rusalka: Song to the Moon, Azul: IV. Yrushalem, Suite from Run Rabbit Run: III. Year of Our Lord

7,6/10

Par Olivier Dénommée

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