Sorti le 2 juin 2017
Christine Jensen a reçu la commande en 2015 pour composer ce qui allait devenir la Under the Influence Suite, une suite inspirée par différents grands noms du jazz. L’exercice est audacieux, et il a été rendu avec l’Orchestre national de jazz de Montréal, justement dirigé par Jensen. Elle y interprète donc ses nouvelles compositions, entourée de certains des meilleurs jazzmen de la métropole.
La première influence de Christine Jensen a été le trompettiste Kenny Wheeler (1930-2014). Après une étrange Part 1 (for Kenny Wheeler), Ouverture, elle lui dédie Starbright, mettant en vedette la voix particulière de Sienna Dahlen. Celle-ci se fera largement entendre à travers l’opus. Ce mouvement est basé sur une dyade, un accord à deux sons, et fera entendre des choses très particulières – mais aussi des choses très belles – au fil des build-ups. Résumer ce qu’on y entend s’avère difficile comme on changera d’énergie à bien des reprises dans cette piste de plus de 15 minutes, mais il faut admettre que si les premières minutes sont plus difficiles d’approches, surtout pour des oreilles néophytes, cela ne prend pas trop de temps pour changer pour quelque chose de plus amical pour l’oreille.
Part 2 (dedicated to Jan Jarczyk), To Jan opte plutôt pour un magnifique choral, exploitant les charmes de la voix de Sienna Dahlen, rendant hommage au Montréalais d’origine polonaise Jan Jarczyk (1947-2014). S’ensuit, après une Interlude à la batterie, Part 3 (for John Coltrane), Leap, faisant directement référence à Giant Steps. Bien qu’il y ait des inspirations évidentes de ce standard signé Coltrane, ce morceau offre, heureusement, davantage de nuances. Part 4 (for Lee Konitz), Sweet Lee, est basé sur Out of Nowhere de Konitz et propose de nouveau de belles variations en tout près de 6 minutes. Elle est peut-être trop variée ou arrive trop tard dans l’album, mais cette piste ne semble pourtant pas arriver à se démarquer du lot.
Déjà la dernière partie de l’opus, dédiée à Wayne Shorter. Jensen a laissé le champ libre à deux de ses saxophones ténors pour improviser sur «des concepts comme l’espace, la communication et le jeu libre», révèle le livret. Si Anthem semble plus contemplatif, Chant laissera bien plus d’espace aux impros sur fond plus rock. C’est avec cette dernière piste que se terminera l’album : une fin chargée, intense.
C’est un album volontairement très inégal dans le son que nous offre l’Orchestre national de jazz. On a autant droit à des bijoux pour les oreilles qu’à des petites agressions auditives, et c’est somme toute bien balancé – donnons-lui ça. Accordons aussi à Christine Jensen un talent énorme dans ses compositions qui sont inspirées de différents compositeurs, mais qui portent bel et bien sa signature bien distinctive. Le seul reproche qu’on pourrait lui faire, c’est la longueur des pièces, qui prennent parfois beaucoup de temps avant de se développer réellement (surtout dans les débuts de piste). L’album aurait gagné à être un brin plus straightforward, mais autrement, chapeau!
À écouter : Part 1 (for Kenny Wheeler), Starbright, Part 2 (dedicated to Jan Jarczyk), Part 5 (for Wayne Shorter), Chant
7,9/10
Par Olivier Dénommée