Sorti le 2 février 2018
Un des premiers buzz de 2018 s’est articulé autour d’un certain Hubert Lenoir, né Hubert Chiasson, qui était dans une autre vie membre du groupe The Seasons (qui a aussi connu son propre buzz voilà quelques années!). Le personnage androgyne a lancé son premier album solo, Darlène, en février, en même temps qu’un livre du même titre écrit par sa copine Noémie D. Leclerc. Il y propose une pop en français où s’incrustent des éléments notamment glam rock et jazz, histoire de le rendre le plus inclassable possible.
Note en commençant : l’album Darlène est donc présenté comme une portion d’un projet multidisciplinaire, mais nous nous concentrerons tout de même exclusivement sur lui pour le besoin de cette critique. De toute façon, les chansons peuvent bien se défendre en elles-mêmes. Nos excuses d’avance de ne pas critiquer le «projet global» derrière Darlène.
L’album démarre sur la chanson Fille de personne en trois parties : Fille de personne I offre une intro au piano jazz, suivie de la «vraie» chanson, Fille de personne II. On reconnaît le ton du jeune chanteur de The Seasons, avec un enrobage plus éclaté et beaucoup de sax et, surtout, c’est en français. Vocalement, on sent une certaine désinvolture, qui correspond bien avec l’image du musicien. La piste se termine après 4 minutes, mais Lenoir n’a pas dit son dernier mot : il rapplique avec la version classic rock Fille de personne III, ajoutant près de 3 minutes à l’exercice. Si, au premier abord, cette dernière portion semble de trop, il faut admettre qu’elle devient vite un bel ajout à la chanson-phare de l’opus.
On change de registre avec la plus minimaliste J.-C. (mais pas sans un côté gospel en arrière-plan), où Lenoir nous confirme l’influence de caméléons comme David Bowie. Puis on passe ensuite à Recommencer, au côté pop planant très réussi. Puis Hubert Lenoir revient à l’anglais le temps d’une chanson, Wild and Free. Une ballade pop bien ficelée, mais dont on peut se questionner sur la place en plein milieu d’un album complètement francophone. Quoique cela ne fait que confirmer que l’album va bel et bien dans toutes les directions (si ce n’était pas déjà assez clair jusqu’à présent).
Confidence : toute chanson qui contient un son de air horn, littéralement une invention du diable, part avec un énorme désavantage dans mon estime. Ton hôtel commet ce péché à plusieurs reprises et peine à le justifier sauf pour appuyer le côté edgy du chanteur. Passons vite aux suivantes, Darlène, Darling, où un suave saxophone vole la vedette une bonne partie de la pièce, puis la sympathique Momo suivie de l’énergique Cent-treizième rue. À noter que les trois pistes sont instrumentales, créant ensemble un long interlude de près de 11 minutes avant Si on s’y mettait, qui est aussi la finale de l’album. Une chanson qui n’est pas sans rappeler la ligne mélodique de Don’t Let Me Down des Beatles, en beaucoup plus lent, particulièrement au refrain. En fait, c’est surtout le refrain qui rend la chanson intéressante, le reste manquant un peu de mordant.
Comme mentionné précédemment, l’album va dans toutes les directions, et il est évident qu’Hubert Lenoir et son équipe se sont fait plaisir en contournant les règles autant que possible. C’est payant dans la mesure où ça apporte un vent de fraîcheur dans l’univers de la chanson québécoise, mais l’album ne semble pas fait pour être facilement appréciable d’une traite. Une interrogation demeure : un éventuel deuxième opus solo serait-il aussi éclectique s’il n’est pas jumelé à la sortie d’un roman? Dans tous les cas, l’artiste est encore bien jeune et a tout son temps pour préciser la direction qu’il souhaite prendre dans le futur. Inutile de dire qu’il est à surveiller de près.
Il vous est possible d’écouter cet album sur Bandcamp.
À écouter : Fille de personne II/Fille de personne III, Recommencer, Wild and Free
7,2/10
Par Olivier Dénommée