Sorti en avril 2010
Avant l’avènement des playlists sur Spotify, des gens avaient besoin de trouver un album parfait pour une situation en particulier. C’est dans ce contexte qui semble dorénavant infiniment loin que de nombreuses compilations faites pour créer une petite ambiance feutrée lors d’un souper en tête à tête par exemple ont été créées. Le disque Dinner Jazz, compilé en 2010, essayait de regrouper le meilleur du smooth jazz vocal et instrumental. Voyons s’il passe le test.
Tout d’abord, nos attentes : règle général on veut une musique douce, sans trop de gros soubresauts, histoire de ne pas trop accrocher l’oreille au milieu d’une conversation. On a aussi tendance à considérer que l’instrumental est plus optimal que le vocal pour une musique de fond.
En début d’album, on laisse place à la très sensuelle voix de Melody Gardot sur Worrisome Heart. L’ambiance feutrée qui en dérage et la présence discrète des vents laissent entendre qu’on a ici la parfaite chanson d’ambiance. Blame It on My Youth (Jamie Cullum) joue sensiblement dans le même registre, mais pousse juste un peu plus la note en seconde moitié. Toujours parmi les pistes vocales, notons d’autres voix sensuelles efficaces : Lizz Wright (A Taste of Honey) et Diana Panton (I’m a Fool to Want You). Ajoutons The Nearness of You (par Michael Brecker, mais à la partie vocale assurée par James Taylor) parmi les beaux moments de cette compilation.
On inclut même une chansons de style crooner, The Lady’s in Love with You par John Pizzarelli, et une chanson de Shirley Horn (Here’s to Life), qui se démarque énormément par ses arrangements et le crescendo vocal. Or, on ne veut pas trop que ça se démarque dans ce contexte!
Du côté des pièces instrumentales, on a droit à une version à la guitare Waltz for Debby par John McLaughlin (on pense qu’une version piano aurait mieux rendu justice à la discrétion de la pièce, surtout que McLaughlin livre plusieurs passages plus intenses). Mais mentionnons surtout la justesse d’Oscar Peterson et de ses musiciens sur Ecstasy, celle de Roy Hargrove dans Moment to Moment et la douceur impeccable de Russell Malone sur Handful of Stars.
Parmi les pistes sans paroles se trouvent deux chansons bien connues : Everybody Wants to Rule the World par The Bad Plus puis Dream On par Alex Skolnick Trio. Ne vous trompez pas, ce sont deux excellentes versions qu’on entend ici, mais leur force est aussi leur gros défaut : au milieu de la conversation, la personne cesse soudainement de parler. «Il me semble que ça me dit de quoi», dira-t-elle peut-être jusqu’à ce qu’elle mette le doigt sur quoi. Bref, leur présence est à double tranchant ici, d’autant plus qu’elles sont légèrement plus explosives que le reste de l’album, faisant d’autant plus en sorte de se faire remarquer même par une oreille inattentive.
La compilation Dinner Jazz est d’une durée généreuse – 1h14 – et contient plusieurs pièces très pertinentes pour faire une musique de fond parfaite. Mais certaines n’auraient pas dû en faire partie, comme si le compilateur avait momentanément oublié sa tâche. On maintient également notre biais disant que les morceaux instrumentaux restent règle générale meilleures pour remplir cette tâche, mais certaines pistes nous prouvent qu’il existe aussi du très bon jazz vocal ambiant. Quoi qu’il en soit, il y a de belles petites découvertes à faire avec ce disque, même s’il n’est pas à 100% parfait pour une musique d’ambiance comme expliqué plus haut.
À écouter : Worrisome Heart, Moment to Moment, Handful of Stars
7,0/10
Par Olivier Dénommée