Sorti le 30 mars 2012
Esbjörn Svensson est mort en juin 2008, mais sa musique lui a heureusement survécu : quatre ans plus tard, 301, son album final paraissait, lancé par les membres survivants du Esbjörn Svensson Trio (E.S.T.), Dan Berglund et Magnus Öström, grâce aux enregistrements réalisés avant sa mort lors de la même session que ce qui a donné Leucocyte.
On suppose donc qu’on va avoir droit à un album dans la même veine que la précédente sortie – qui nous malheureusement laissé tiède – mais on nous surprend dès la première piste, la joliment titrée Behind the Stars, avec de magnifiques lignes de piano en solo pendant de précieuses minutes. L’hommage au défunt pianiste est évident, mais bien amené. La piste se fond en la lente Inner City, City Lights où se joignent ses complices. La piste est somme toute réussie, quoiqu’un peu longue et moins punchée que ce que E.S.T. a proposé lors de ses meilleures années.
The Left Lane nous réveille un peu avec un morceau plus actif et nerveux, mais qui contient aussi une portion douce et discrète (on parle quand même d’une pièce de plus de 13 minutes ici!) et Houston, the 5th, elle, nous rappelle que le trio explorait les sons de drone dans sa dernière session d’enregistrement. On a aussi droit à une pièce en deux parties, Three Falling Free, Pt. I et Pt. II, un exercice totalisant plus de 20 minutes et faisant un peu le tour des expériences tentées au fil des années par le trio. On a un peu l’impression de se rapprocher dangereusement d’une rétrospective avec cet album, mais ce n’est peut-être pas une si mauvaise chose vu les circonstances. Enfin, le dernier mot est laissé à The Childhood Dream, de retour au calme et à la sérénité. C’est surtout la toute dernière pièce où on pourra entendre le jeu de Svensson, alors il était important de ne pas choisir n’importe laquelle. Bref, bon choix pour finir l’aventure E.S.T. en beauté. J’écoute cet album avec du recul, mais je ne serais pas surpris que certains aient versé quelques larmes lors de leur écoute en 2012.
Quatre longues années ont été nécessaires pour sortir 301, et on comprend aisément pourquoi : plus qu’un album posthume, c’était aussi la dernière chance d’honorer la mémoire Esbjörn Svensson, son génie et son originalité. C’était aussi, on le sent, l’occasion de faire le tour de 15 années de réinvention du jazz. Si 301 n’est pas un des meilleurs de la discographie de E.S.T. en termes de compositions, il mérite aisément sa place parmi les plus marquants, ne serait-ce que par la force de sa symbolique.
À écouter : Behind the Stars, The Left Lane, The Childhood Dream
7,6/10
Par Olivier Dénommée