À ne pas confondre avec le rappeur finlandais Cheek, le Montréalais Cheak fait dans le hip-hop lucide et engagé. Encore plutôt underground, il tente ici de se faire connaître à travers son premier album studio. Fait intéressant, le rappeur est aussi multi-instrumentiste; il a composé et joué l’ensemble de la musique qu’on entend derrière ses textes.
Douze titres composent l’album Refus global, traitant de nombreux enjeux de société et des sujets peut-être plus personnels. Démarrant avec Y’en aura pas de facile, il commence avec les défis de la vie en général. Cela ne prend que peu de temps avant qu’on s’imprègne de son style vocal. Une voix décidée et un peu agressive, avec un accent québécois évident. Quelques sacres par-ci par-là, mais rien qui ne surcharge le message. Musicalement, ce n’est pas sur Y’en aura pas de facile qu’on sort des sentiers battus. La petite portion instrumentale à la fin est tout de même réussie et passe à la prochaine piste sans trop qu’on le réalise. Pourtant, on passe dans un tout autre registre : d’inspiration jazz, rien de moins, La droiture du gauchiste est plutôt un éditorial à saveur très politique.
Aujourd’hui revient dans un registre hip-hop plus conventionnel, où Cheak mitraille ses vers de façon efficace pour critiquer la société actuelle sur à peu près tous les fronts. Très similaire dans le rythme, on passe à la chanson-titre sans trop s’en rendre compte. Cela pourrait même être un peu la suite logique à Aujourd’hui. Refus global n’est pourtant pas nécessairement plus accrocheur que le titre précédent.
Un des titres mémorables de l’opus est Zombie, notamment à cause de la répétition pratiquement abusive du mot. Cheak fait quand même des parallèles très intéressants, nous rappelant qu’un zombie, «ça peut lire le Journal de Montréal comme du Chomsky». La musique de Mauvaise passe est intéressante, avec un petit côté downtempo; la ligne vocale est, quant à elle, très chargée et peut prendre quelques écoutes avant de saisir l’étendue du propos de Cheak.
On passe dans un registre reggae sur On est c’qu’on est. Il y a quelque chose qui nous semble plus cliché ici, peut-être justement à cause de la musique, ou bien du refrain trop laid back. Équilibre qui suit apparait presque comme une interlude instrumentale, mais après une minute, on a droit à une minute intense de paroles. Puis on finit avec une dernière minute instrumentale. L’effet créé est mitigé.
L’attrait principal de Moonchild est sa musicalité, qui est excellente tout au long de la piste pour atteindre un sommet à la fin. Mieux encore, le propos portant sur l’isolement fait réfléchir. Calme toé, juste après, revient au reggae. Cette fois, l’énergie dégagée semble passer un peu mieux que sur On est c’qu’on est. Matante finit l’album, avec une chanson très downbeat et un refrain qui accentue encore plus cet effet. Il n’est pas spécifié si les description de sa «matante» est basée sur la réalité ou une pure invention, mais pas de doute que ce n’est pas un portrait très flatteur. Cette piste, beaucoup moins énergique que la plupart des autres chansons de l’album, n’est pas nécessairement celle qui convient le plus pour bien boucler la boucle. Dommage.
Les sujets de Cheak sont variés et engagés, mais rares seront ceux qui sortent complètement de l’ordinaire. Musicalement, c’est intéressant de savoir que Cheak joue lui-même ses instruments; cela donne un résultat très convaincant sur certaines chansons, mais généralement on n’y porte pas particulièrement attention. Enfin, tenant compte que c’est un premier vrai album, Cheak réussit à montrer un bon aperçu de quoi il est capable. Nul doute que son nom sera à surveiller de plus en plus dans les prochaines années.
À écouter : La droiture du gauchiste, Zombie, Moonchild,
6,7/10
Par Olivier Dénommée