L’harmoniciste de blues Guy Bélanger est reconnu pour son talent et sa capacité à nous faire voyager à travers les différents styles. Cette fois, Blues Turn est la réponse qu’il donne à ses fans : on retourne enfin à son style de prédilection, pour un album purement blues. Mais fidèle à ses concepts, il ne se contente pas d’enregistrer un album; il le fait durant trois sessions différentes, dans des villes différentes et avec des musiciens différents.
Dans son livret, Bélanger présente brièvement chacune des pistes. Plusieurs reprises, quelques compositions, chaque chanson semble occuper une place spéciale dans le cœur de l’artiste. Cela donne certains résultats fort intéressants, sur cet album où il joue (et chante) le blues.
L’énergique et accrocheur Take a Walk Around the Corner (Courtroom Blues) débute cet album. Bélanger offre sa propre version de la chanson qu’il a découverte sur un vinyle. Plus rock, la composition Queen City Storm prend très bien le relais, notamment avec un solide dialogue harmonica/guitare avec Steve Strongman.
Dans un registre plus ballade, The Dark End of the Street est un incontournable. On peut prendre encore le bruit des briquets s’allumer tellement cette version de la chanson chantée par James Carr s’y prête. Mention à la composition récente My Lil’ Desoto pour sa groove sympathique et enlevante. Le jeu d’harmonica de Bélanger en est étourdissant par moments!
Sur Last Night (de Little Walter), enregistrée à Chicago, on entend exceptionnellement Jimmy Johnson, un chanteur-guitariste de blues talentueux mais, selon Guy Bélanger, un peu négligé par l’histoire. Johnson a grandement contribué à donner son cachet à ce titre.
Une belle petite pièce instrumentale au menu, co-écrite par Bélanger : Letter to a Friend. Il nous laisse comme note : «En espérant que cette pièce instrumentale puisse faire le plus grand bien». Tout en simplicité dans l’harmonie, c’est la mélodie à l’harmonica qui vient nous chercher ici jusque dans les trippes. Sa version de Corrina, Corrina, co-arrangée avec Steve Strongman, prend une direction gospel qui ne déplaît pas du tout. L’opus se termine avec force sur le blues funèbre Death don’t have no Mercy. Une chanson lourde parfaitement appropriée pour la grande finale.
Plus d’une cinquantaine de minutes de blues bien compact, ce n’est, malheureusement, pas pour tout le monde. Mais il faut reconnaître que Guy Bélanger a pris plusieurs petits bijoux du large répertoire blues en plus de quelques belles créations, ce qui donne un album loin, très loin de rester sur la même note tout le long. Ses différentes sessions ont aussi permis de faire des variations plus importantes dans les sonorités de ses chansons, le tout sans sacrifier la cohésion et la ligne directrice. Un excellent travail du Montréalais.
À écouter : Queen City Storm, The Dark End of the Street, Letter to a Friend
8,2/10
Par Olivier Dénommée